Articlé publié le 5 janvier 2015
Les Gafa, menace grandissante pour les opérateurs télécoms
Google , Apple , Facebook et Amazon dominent déjà le marché mondial du numérique. Ils s’attaquent à présent à un actif stratégique des opérateurs : la relation avec l’abonné.
L’année 2014 aura été dure pour les opérateurs télécoms. Selon les derniers chiffres de l’Arcep, ils ont affiché au second trimestre des revenus, au global, à 9 milliards d’euros, en recul de 4 % par rapport au second trimestre 2013. Certes, la baisse est moins significative par rapport à 2012, mais le bilan reste tout de même peu glorieux et la descente se poursuit. Depuis l’entrée fracassante du quatrième opérateur, le marché des télécoms français a subi une totale recomposition, avec une intensification de la concurrence entraînant une baisse de prix considérable, jusqu’à 30 % sur la facture moyenne des utilisateurs.
Cette destruction de valeur des services de télécommunication, désormais ancrée dans l’esprit du consommateur, ne rend pas la tâche facile aux opérateurs pour remonter l’Arpu (revenu moyen par abonné). La 4G, au cœur des débats ces deux dernières années, aurait pu y contribuer, mais en vain. Face à des conditions peu favorables pour maintenir un niveau d’investissements suffisant, la 4G couvre aujourd’hui 70 % de la population française, contre 90 % aux Etats-Unis.
L’une des prochaines batailles sera celle de la 5G, promettant 1 gigabit par seconde contre 150 mégabits par seconde pour la 4G aujourd’hui. Et pour absorber un trafic de données en pleine explosion, selon l’Idate, les opérateurs français devront investir d’ici à 2020 près de 35 milliards d’euros. Notons que, selon l’Arcep, le volume de données a déjà augmenté de près de 90 % en un an au second trimestre 2014.
Parallèlement au casse-tête chinois des opérateurs – comment maintenir un niveau d’investissements suffisant avec des marges réduites – les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) s’enrichissent et poursuivent leur ascension. Ils dominent aujourd’hui le marché mondial du numérique et sont les plus gros utilisateurs de bande passante au monde. Ces quatre acteurs inquiètent l’Europe, si bien que les opérateurs télécoms européens font aujourd’hui pression auprès de Bruxelles pour introduire des redevances sur les distributeurs de contenu en ligne. Mais si la bataille ne se réduisait pas aux recettes potentielles pour les opérateurs sur la fourniture de contenu ?
Adeptes d’une approche « consumer-centric », les Gafa possèdent une force de frappe inestimable. Avec la généralisation des smartphones, la géolocalisation est une brique en plus, et l’analyse de toutes les données disponibles (Big Data) ne fait que renforcer leur puissance mondiale. La valeur de la relation avec le client, au départ détenue par les opérateurs, se déplace chez les Gafa. Cette perte de lien direct avec leurs utilisateurs est un danger non négligeable pour les opérateurs. Rappelons que, le 20 octobre dernier, Apple a déjà amorcé la tendance en intégrant directement une carte SIM à son iPad Air 2. Seulement compatible avec trois opérateurs sur le marché américain, ce type de solution étendue au marché mondial pourrait avoir un impact considérable sur le « business model » des opérateurs télécoms, qui se verraient réduits à être de simples fournisseurs de bande passante. A noter que les applications de messagerie instantanée vont déjà dans ce sens, il est aujourd’hui en effet possible d’émettre des appels, d’envoyer des messages… en utilisant seulement de la data.
Le service des télécoms tend à être entièrement dématérialisé, et les forfaits à devenir exclusivement composés de data. Dans un futur proche, pour assurer leur pérennité, en plus de proposer des services à valeur ajoutée pour remonter l’Arpu, les opérateurs télécoms vont devoir réinventer leur métier et redoubler d’efforts pour maintenir le lien avec leurs utilisateurs.
David Charles, président et fondateur de Prixtel.